Le GPL Carburant, quelle place dans le modèle national de consommation des carburants routiers ?
(publié sur le portail du CDER le Jeudi 13 septembre 2012)
La consommation nationale des carburants routiers dépasse 12 millions de tonnes par an. Elle représente un marché de plus de 15 milliards de dollars US soit plus de 20 % de la totalité de nos revenus d’exportation des hydrocarbures liquides et gazeux. L’importance de ce marché, tant en termes physique que financier, pose avec acuité la question fondamentale du choix du modèle national de consommation et, plus particulièrement, de la place que doivent occuper les carburants gazeux et notamment le GPL Carburant, plus économique et plus disponible localement, dans la consommation globale des carburants routiers. Avant de répondre à cette question, voyons d’abord quelles sont les caractéristiques techniques du GPL Carburant..
Carburation au GPL : une technologie maitrisée dans le monde et en Algérie
L’utilisation du GPL comme carburant moteur est une technologie qui a fait ses preuves au niveau mondial depuis plus de 40 ans. Le parc de véhicules roulant au GPLC, qui comprenait 7 millions d’unités en 2000, est passé à plus de 15 millions aujourd’hui avec un accroissement annuel de l’ordre de 1,5 million de véhicules..
En Algérie, l’introduction sur le marché du GPLC dès le début des années 1980 a permis la maitrise de cette technologie par nos opérateurs et a notamment démontré que ce type de carburation ne posait aucun problème de sécurité puisque durant tout cette période aucun incident notable n’a été enregistré..
Au plan technique, Le GPL est un carburant de bien meilleure qualité que les carburants classiques. L’homogénéité du GPLC, son haut pouvoir calorifique et son indice d’octane élevé, assurent une combustion moteur beaucoup plus complète que dans le cas de l’essence ou du gasoil ce qui se traduit par un meilleur rendement énergétique. L’absence d’impuretés dans le GPLC réduit sensiblement l’encrassement du moteur qui se produit dans le cas de la carburation essence ou gasoil en raison du dépôt de calamine au niveau des injecteurs et dans la chambre de combustion. Enfin, La nature gazeuse du GPLC évite la dilution des lubrifiants au niveau des parois des cylindres assurant ainsi une meilleure lubrification qui permet de réduire sensiblement l’usure du moteur et notamment celle des chemises, des cylindres, des pistons et des segments. A ce propos, il faut noter que le problème de l’usure prématurée des soupapes constatée auparavant sur certains vieux modèles de véhicules fonctionnant au GPL, a été définitivement réglé par l’utilisation de matériaux plus adaptés dans les moteurs modernes..
Au plan environnemental, tous les essais menés par les laboratoires spécialisés montrent, sans conteste possible, que le GPL est un carburant beaucoup plus écologique que l’essence et le gasoil. La généralisation de sa consommation ne manquera pas de contribuer à l’amélioration significative de la qualité de l’air notamment dans nos grands centres urbains où la pollution commence à poser un sérieux problème de santé publique. Il faut enfin noter que la qualité environnementale du GPLC est telle que, contrairement aux carburants classiques distribués actuellement en Algérie, il peut être utilisé dans les moteurs de dernière génération répondant aux normes internationales de pollution les plus strictes et les plus récentes. Le GPLC peut, par exemple, être utilisé dans les véhicules construits selon les normes EURO 5 alors que l’essence plombée et le gasoil ne peuvent, sous peine d’endommagement du véhicule, être utilisés que dans les véhicules répondant, au plus, aux normes EURO 2-3..
Marché national des carburants : constitué de 75% de gasoil et de moins de ... 3% de GPLC
Les carburants routiers distribués sur le marché national comprennent 3 types d’essence (essence normale, essence super et essence sans plomb), le gasoil et le GPL carburant (sirghaz)..
Selon les données publiques disponibles, la consommation de gasoil constitue à elle seule prés de 75% du mix des carburants routiers soit pour l’année 2011 prés de 9.000.000 tonnes. Cette consommation, qui croit à un taux à deux chiffres, atteindra selon les mêmes sources entre 14 et 17 millions de tonnes en 2019. Cette véritable explosion de la demande du gasoil s’explique non seulement par le développement économique du pays dont il faut bien évidemment se féliciter, mais également et surtout en raison de la diésélisation rapide du parc des véhicules particuliers qui est passé de moins de 100.000 unités en 1997 à plus 500.000 unités en 2009..
Les essences, qui représentaient 33% du mix des carburants routiers en 2000, ont vu leur part régresser progressivement pour atteindre 23% en 2011, soit environ 3.000.000 tonnes. La part des essences dans le mix des carburants continuera, selon ces données, à baisser dans les années à venir..
Quand à la consommation de GPL Carburant, elle ne représente que 3% du mix carburants et stagne autour d’environ 350.000 tonnes depuis 2004-2005. En termes relatifs, on constate donc une régression notable du marché du GPL Carburant puisque la part de ce produit dans la consommation globale ne cesse de diminuer..
Enfin, l’utilisation du gaz naturel carburant, sous la forme de gaz naturel comprimé (GNC), demeure encore au stade d’expérimentation bien que la mise sur le marché, à titre d’essai, du premier bus fonctionnant au GNC à Alger remonte à la fin des années 1980.
Ce bref rappel de la structure du marché intérieur des carburants routiers montre clairement que la consommation du GPL Carburant demeure marginale malgré tous les avantages technique et économique et surtout malgré sa très grande disponibilité au niveau national. Par contre, la consommation de gasoil ne cesse de croître à un rythme très élevé alors que la production nationale, de l’ordre de 7.000.000 tonnes/an, ne répond plus à la demande qui n’est déjà satisfaite, en partie, que grâce à l’importation. En 2009, par exemple, notre pays a importé plus de 500.000 tonnes de gasoil pour un coût dépassant 400 millions de dollars US..
Privilégier davantage le gasoil, comme c’est le cas dans le modèle de consommation actuel n’est donc en adéquation ni avec le schéma de production de l’aval pétrolier Algérien ni, encore moins, avec la typologie des ressources nationales en hydrocarbures qui se caractérise par des réserves beaucoup plus élevées en gaz ( 50 ans pour le gaz contre 16 ans pour le pétrole). Dans ce modèle « extraverti », l’importation du gasoil, qui ira crescendo dans les prochaines années, ne pourra pas être évitée, comme on pourrait le penser, par l’augmentation de la capacité nationale de l’outil de raffinage. En effet, la réalisation de nouvelles raffineries ne fera que déplacer, voire aggraver, le problème en remplaçant l’importation de produits raffinés par l’importation de pétrole brut qui sera rendu nécessaire vu que nos réserves pétrolières, relativement réduites , ne peuvent assurer l’approvisionnement de ces nouvelles raffineries sur le long terme..
Fiscalité : un handicap majeur pour la promotion du GPLC
Les dernières mesures d’allégement fiscal mises en place par le secteur de l’énergie pour la promotion de l’utilisation du GPL carburant remontent aux années 1980-1990. Ces mesures ont été très efficaces jusqu’au milieu des années 2000 qui ont vu la consommation du GPL Carburant atteindre plus de 300.000 tonnes. La stagnation de la consommation de ce carburant, depuis l’année 2005, montre clairement que ces mesures, essentiellement l’application d’un taux réduit de TVA, ne sont plus opérantes aujourd’hui..
Au contraire, tant le régime fiscal que le système des prix régulés à la pompe ont incontestablement favorisé la diésélisation du parc des véhicules particuliers et par voie de conséquence la promotion de l’utilisation du gasoil au détriment de celle du GPL Carburant.. A titre d’exemple, le barème des droits de douanes et de la TVA, déterminant dans la formation des prix des véhicules, prévoit l’application de mêmes taux d’imposition tant aux véhicules diesel de grosses cylindrées, y compris beaucoup de 4X4, qu’à la plus petite des berlines à essence. La formule de calcul de la puissance fiscale des véhicules, qui conditionne les montants de la vignette et de l’assurance automobile, est, elle, complètement anachronique. Elle classe des véhicules diesel haut de gamme HDI 2 litres dans la catégorie 4 CV alors que le même modèle en version essence est classé en 8 CV. Même la TVN (taxe sur véhicules neufs), censée différencier entre les deux types de motorisation, est, en réalité, d’un niveau similaire pour tous les véhicules de cylindrée inférieure ou égale à 2500cc soit la quasi-totalité du parc ; elle n’est en défaveur du diesel que pour les cylindrées supérieures à 2500cc (sic).. Outre la fiscalité, Le système des prix régulés favorise également le diesel au détriment du GPL carburant. Aussi paradoxal que cela puisse paraitre, ce systeme fixe le prix du gasoil au même niveau que celui GPL Carburant en termes d’énergie équivalent. Si l’on prend en compte les pouvoirs calorifiques du gasoil et du GPL qui sont respectivement de 43 et 46 millions de joules par kilogramme, les prix à la pompe du GPL Carburant et du gasoil sont, en effet, identiques et tous deux égaux à 0,38 DA/ million de joules..
Que faire pour La généralisation de l’utilisation du GPLC ?.
La question de l’opportunité de promouvoir l’utilisation du GPL Carburant fait consensus au niveau de tous les acteurs concernés et notamment du département de l’énergie qui réaffirme, dans toutes les occasions, que la promotion et la généralisation de l’utilisation du GPL Carburant constitue un axe stratégique de la politique énergétique nationale.. Force est cependant de constater que les mesures concrètes déjà prises dans ce sens ne permettent plus d’assurer un véritable décollage de la consommation de ce carburant.. Des mesures décisives s‘avèrent donc indispensables pour atteindre cet objectif et l’une des solutions qui nous semble la plus appropriée serait de :
1)Diminuer la nouvelle taxe sur véhicules neufs prévue par la loi de finances 2008 d’un montant égal au coût de la conversion au GPLC, 35.000 DA en moyenne, de sorte que le prix du véhicule neuf converti au GPLC soit tout simplement vendu à un prix égal à celui du véhicule à essence non converti,
2)Rétablir le crédit à la consommation (prêt bancaire) uniquement pour les véhicules convertis au GPLC,
3)Prévoir, par un dispositif réglementaire approprié, l’obligation des concessionnaires de proposer à la vente au public des véhicules convertis au GPLC, en grand nombre, selon un programme qui tienne compte des possibilités nationales de conversion..
Ces mesures peuvent paraître extrêmes ou trop directives ; elles n’ont en fait rien d’exceptionnelles et ont été expérimentées à maintes reprises et avec succès sous d’autres cieux. Ainsi, et à titre d’exemple, des bonus sont consentis dans plusieurs pays européens et aux Etats unis pour encourager l’achat de véhicules peu consommateurs d’énergie ou utilisant un carburant propre. Ces bonus peuvent atteindre, comme dans le cas de l’achat en France de véhicules convertis au GPL Carburant, la somme de 2000 euros par véhicule soit un montant sept (7) fois plus élevé que l’abattement fiscal préconisé dans notre proposition (35.000 DA)..
De même, demander aux concessionnaires de participer à l’effort national de conversion des véhicules et s’inscrire ainsi dans une politique de consommation d’énergie spécifique ne constitue pas une nouveauté. Aux Etats-Unis, par exemple, la loi dite EPCA (Energy Policy and Conservation Act) oblige, depuis le début des années 1970, tous les constructeurs et importateurs de véhicules à ne mettre sur le marché américain que des véhicules ne dépassant pas une limite maximale de consommation de carburants sous peine de sanction financière et de poursuites pénales..
Bien évidemment, pour être réalisable, le programme de conversion devra tenir compte des capacités techniques nationales et être préparé en concertation avec l’ensemble des intervenants et notamment des concessionnaires ainsi que des sociétés de conversion qui agiraient en qualité de sous traitants pour le compte de ces concessionnaires.. De notre point de vue, ce programme devrait prévoir la conversion de 25 à 30% des véhicules à essences neufs vendus sur le marché national dès la première année du lancement de ce programme et atteindre, progressivement, 100% du marché soit environ 250.000 à 300.000 véhicules par an dans un délai de 3 ou 4 années..
Un tel programme de conversion, en apparence ambitieux, est cependant parfaitement réalisable au vu du vaste réseau d’installateurs agréés riches d’une expertise acquise depuis plus de 20 ans et dont le nombre dépasse la trentaine aujourd’hui. Il n’est en rien utopique si l’on se base sur l’expérience internationale dans le domaine. Par exemple , la Turquie a réussi à convertir près de 1 million de véhicules en 3 années (1998-2000), la Corée du sud en a convertis 1 million entre 1999 et 2001 et plus récemment encore, la Pologne est passée au premier rang mondial en termes de parc GPLC avec la conversion entre 2001 et 2005 de plus de 1,5 millions de véhicules.. Ces quelques exemples montrent que la conversion en Algérie, dans un délai de 4 ans, de quelques 250.000 - 300.000 véhicules par an ne devrait pas poser problème pour peu que l’ensemble des acteurs concernés mobilisent leurs moyens et conjuguent leurs efforts à cet effet.. L’application de ce programme permettra d’augmenter sensiblement la consommation du GPL carburant qui passerait de 350.000 tonnes/an aujourd’hui à plus de 1 million de tonnes dès 2015..
Rentabilité : Un gain financier substantiel au niveau macro-économique
Au plan macro-économique, la carburation au GPLC permet de dégager un gain financier appréciable comparativement à l’utilisation des essences et du gasoil. Sur la base des cours pétroliers internationaux moyens de l’année 2009 compilés par l’U.S Energy Information Agency (EIA) et compte tenu d’une consommation moyenne de 8,5 litres/100 km pour les moteurs à essence, de 10,20 litres/100km pour le GPLC (20% de plus que l’essence) et de 6,5 litres/100 km pour le moteur diesel, le coût annuel du carburant pour un véhicule utilisant le GPLC, qui est évaluée à 730 US$, est beaucoup plus bas que ceux des véhicules diesel ( 870 US$) ou à essences (1090 US$).. Le gain sur le coût de la carburation au GPLC, par rapport aux essences, est ainsi de 360 US$ par véhicule et par an.. Ce gain assurera le remboursement de l’abattement fiscal consenti pour assurer la gratuité de la conversion des véhicules au GPL C en moins de 2 ans et permettra, par la suite, d’engranger des économies substantielles de devises pour le pays..
Cette rentabilité économique de la carburation au GPL est principalement due au haut pouvoir calorifique de ce produit qui assure un meilleur rendement énergétique du moteur et par voie de conséquence une réduction sensible des quantités de carburant consommées. Ainsi, la consommation en 2009 de 350.000 tonnes de GPLC, équivalente en termes d’énergie à une quantité de 430.000 tonnes d’essence, aurait permis une économie sur la facture énergétique de notre pays de plus de 100 millions de dollars. Ce gain sera autrement plus élevé lorsque le niveau de consommation de GPLC atteindra et dépassera les 1.000.000 tonnes/an..
Conclusion
le GPLC, en raison des innombrables avantages technique, écologique et économique qu’il présente, constitue le carburant idéal pour le parc des véhicules particuliers et devrait, à ce titre, occuper une place de choix dans le modèle national de consommation des carburants routiers.. La généralisation de son utilisation se justifie également par les changements majeurs intervenus sur la scène énergétique mondiale dont notamment la raréfaction prévisible du pétrole, qu’il faudrait donc préserver en lui substituant les carburants gazeux, et l’apparition sur le marché d’importantes quantités de gaz non conventionnels qui se traduit par une baisse structurelle des prix du gaz qu’il serait ainsi plus profitable d’utiliser localement.. Le gaz naturel carburant, qui est un autre carburant gazeux présentant des caractéristiques technique et économique similaires à elles du GPLC, mérite également de bénéficier d’un programme spécial à même d’en promouvoir l’utilisation notamment pour certaines flottes captives tels les moyens de transports urbains et universitaires.. Enfin, à plus long terme, l’électricité d’origine renouvelable sera un carburant incontournable que notre pays ne pourra ignorer.. Salah Azzoug, Ingénieur en Raffinage et Pétrochimie, http://portail.cder.dz.