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23 février 2013 6 23 /02 /février /2013 14:06

Le marché de l’énergie est d’un poids considérable. Il s’élève à plus de 12 000 milliards de dollars US, soit environ 20% de la production intérieure brut (PIB) du monde entier. Une autre manière d’apprécier l’importance de l’énergie est de mesurer son degré d’utilité pour l’homme.
A cette aune, elle joue tout simplement un rôle crucial. Elle lui permet de se déplacer, s’éclairer, se chauffer, planter et récolter ses cultures et produire toutes sortes de biens et de services nécessaires à la vie. En un mot, elle est le moteur indispensable à tout développement économique et progrès social. Ces caractéristiques singulières font de l’énergie un produit stratégique de premier ordre que les nations ne peuvent se permettre de laisser évoluer au gré des seules règles du marché. Même, ou plutôt surtout, les Etats les plus libéraux réglementent le marché de l‘énergie. Ils mettent en place des politiques énergétiques qui en déterminent l’évolution à très long terme. En ce mois anniversaire de l’événement historique de la nationalisation des hydrocarbures dans notre pays, nous avons cru utile de présenter à nos lecteurs les domaines qui sont réglementés dans ces politiques énergétiques. Nous examinerons plus particulièrement la question du choix des modèles de consommation et celles de l’efficacité et de la sécurité énergétiques qui en constituent le socle dur.


Modèles de consommation : un mix «sur mesure» pour chaque pays
Jusque dans les années 1970, le terme énergie était quasiment assimilé à celui de pétrole tant cette ressource était prépondérante dans le mix énergétique mondial. Depuis, ce mix a beaucoup évolué en raison du souci des pays développés de réduire leur dépendance vis-à- vis de cette ressource détenue quasi-exclusivement par les pays du Moyen-Orient et certains pays (Russie) à tendance politique antagoniste. Le pétrole, dont la part était de 50% du mix mondial en 1973, n’en représente plus que 30% actuellement. Le charbon, qui était en déclin à cette période, redevient attractif aujourd’hui en dépit des problèmes environnementaux majeurs qu’il pose. Le nucléaire, malgré les grandes catastrophes qu’il a causées (Fukushima, Tchernobyl, Three Mile Island…), reste une énergie d’avenir. Ces exemples montrent que l’évolution du mix énergétique n’est pas, comme certains l’avancent, liée essentiellement à la question de la protection de l’environnement. En fait, chaque pays construit son mix en fonction des ressources nationales dont il dispose avec pour objectif principal une plus grande indépendance énergétique. C’est ce qui explique pourquoi la France, dépourvue de ressources fossiles, construit de nouvelles centrales nucléaires pendant que l’Allemagne, pays voisin membre de la CEE, démantèle les siennes. Ceci explique aussi la décision du Brésil de fabriquer des biocarburants à partir de la canne à sucre qu’il produit en très grandes quantités. La Norvège, qui génère 99% de son électricité à partir de l’énergie hydraulique, est un autre bel exemple d’adaptation du modèle de consommation aux spécificités nationales. Le choix du mix énergétique peut donc varier fortement d’un cas à l’autre. C’est pratiquement du «sur mesure» pour chaque pays. En Algérie, le choix du gaz comme combustible quasi-exclusif dans la génération électrique répond aussi, à juste raison, au souci de valoriser en priorité les ressources les plus largement disponibles chez nous. A long terme, l’option affichée par les autorités pour développer les énergies renouvelables, propres et pérennes, entre également dans ce cadre. Par contre, dans le domaine des carburants routiers, qui représentent la quasi-totalité de notre consommation de pétrole, il y a un énorme fossé entre le modèle de consommation actuel, basé sur le gasoil, et les ressources disponibles qui sont avant tout gazières. Dans l’intérêt national, ce paradoxe «du pays du gaz où le gasoil fait loi» ne doit pas perdurer. Construire une myriade de nouvelles raffineries pour coller à la demande de gasoil n’est assurément pas la solution idoine(1). Seule l’émergence d’un mix basé sur les carburants gazeux, soit le GPLC pour les voitures particulières et le GNC pour les flottes captives de véhicules utilitaires, constitue une solution de long terme.


Efficacité énergétique : un immense gisement d’économie
La meilleure énergie est celle que l’on ne consomme pas. Cette phrase peut sonner comme un slogan. Elle ne l’est pourtant pas pour ceux qui ont pris conscience de l’importance des économies d’énergie et qui en ont fait un axe principal de leur politique énergétique. Les progrès réalisés dans ce domaine sont impressionnants. Selon l’Agence internationale de l’énergie, cette politique a permis de baisser la demande potentielle d’énergie des pays de l’OCDE de 60% entre 1974 et 2006. Un gain supplémentaire de 20% est également attendu d’ici 2020. Ce résultat magnifique n’a pas été acquis par hasard. Il a été planifié dans le cadre d’une politique énergétique efficiente. Des plans d’actions spécifiques ont été mis en œuvre dans tous les secteurs d’activité pour faire la chasse au gaspillage et promouvoir les comportements, les équipements et les procédés les moins énergivores. A l’inverse, les pays en voie de développement relègue souvent au second plan la question de la rationalisation de la consommation. Fatalement, l’efficacité énergétique se dégrade. Au Moyen-Orient, l’intensité énergétique, que les économistes utilisent pour mesurer l’efficacité énergétique, est plus de deux fois plus élevée que celle de l’Europe. Ils consomment donc deux fois plus d’énergie pour la production d’une même quantité de biens. Dans notre pays, elle est de l’ordre de 0,15 TEP/1000 US$ de PIB, soit 50% de plus que la moyenne européenne. Résultat : le rythme de croissance de la demande nationale se situe parmi les plus élevés au monde. Au moment où le renouvellement de nos réserves d’hydrocarbures suscite moult interrogations, cette gabegie de l’énergie doit être combattue. Il ne s’agit pas, bien entendu, d’attenter, en quoi que ce soit, au confort de nos concitoyens. Décourager l’usage de la climatisation, par exemple, est aussi vain qu’inutile. Il faut surtout lutter contre les gaspillages et placer l’efficacité énergétique au cœur de notre politique. Mais que faire concrètement ? Fixer, par exemple, la norme de consommation de carburant de nos véhicules au même niveau que celle des pays d’où nous les importons. Veiller à ce que le rendement énergétique de nos grands complexes industriels soit aussi bas que ceux des pays qui nous les fournissent, clé en main. Construire beaucoup plus de logements écologiques que le millier qu’on a prévu sur un programme de plus de deux millions (sic). Interdire l’usage des lampes à incandescence comme cela se fait déjà en Europe, au Brésil et dans bien d’autres pays. Mettre fin au déferlement sur notre marché de toutes sortes d’appareils domestiques aux rendements énergétiques abominables. C’est toutes ces mesures, et bien d’autres, qu’il faut traduire en un dispositif réglementaire opérationnel si l’on veut assurer une gestion rationnelle de nos ressources et hisser notre pays au rang des nations économes.


Sécurité énergétique : un enjeu géostratégique
La sécurité énergétique vise à garantir la satisfaction des besoins à court, moyen et long terme. Elle est l’objectif principal de toute politique énergétique. Pour l’atteindre, les pays développés jouent essentiellement sur le mode de gestion de leurs réserves, quand ils en ont, sur la constitution de stockages stratégiques et sur la diversification de leurs sources d’approvisionnement. Dans la plupart des pays développés, l’Etat impose la détention de stocks de sécurité en mesure d’assurer une couverture de la demande pendant au moins 3 mois. C’est grâce à ces stocks que l’Europe a pu faire face, sans trop de dégâts, à la crise «ukrainienne» qui a vu l’interruption du pompage du gaz russe vers l’Europe pendant l’hiver 2009. C’est aussi ces stocks qui ont permis au Japon d’éviter le «black-out» durant la récente catastrophe de Fukushima malgré l’arrêt, du jour au lendemain, des centrales nucléaires qui assuraient 50% de la demande d’électricité de ce pays. La diversification des sources d’approvisionnement joue aussi un rôle primordial dans la sécurité énergétique. L’Europe, par exemple, s’approvisionne en gaz chez plusieurs fournisseurs et légifère pour éviter de dépendre d’un seul pays. Pour sécuriser leurs sources d’approvisionnement, les Etats contractent aussi des alliances stratégiques avec les pays producteurs. C’est le cas notamment du pacte Quincy qui a été conclu en 1945 avec pour objet la garantie de l’approvisionnement en pétrole des Etats-Unis par l’Arabie Saoudite, en contrepartie de certaines assurances. Parfois même, des moyens peu orthodoxes qui prennent la forme de pressions politiques, voire de guerres, sont utilisés. Les guerres de ce début du siècle en Irak et en Libye en sont des exemples édifiants. Dans les pays producteurs d’hydrocarbures, la sécurité énergétique découle directement du mode de gestion de leurs réserves pétrolières et gazières. L’exploitation de ces réserves, qui peuvent être assimilées à des stocks stratégiques naturels, doit souvent répondre à deux objectifs principaux. Le premier est d’assurer leur développement économique et le deuxième de préserver les besoins des générations futures. Dans ces pays, l’écueil majeur à éviter réside dans la surexploitation des réserves dont les effets sont néfastes tant pour le rendement de production des gisements qu’aux niveaux économique et stratégique. La surexploitation des réserves, que certains qualifient de politique du «pump, pump, pump», a été pratiquée durant les années fastes du pétrole bon marché. Cette politique est révolue. Elle a été enterrée par le spectre de la raréfaction du pétrole et par le souci des Etats d’assurer leur sécurité énergétique sur le très long terme. Le «pump, pump, pump» est aussi prôné par ceux qui spéculent sur le caractère inépuisable des réserves. Il est bon d’être optimiste, mais fonder sa politique sur des réserves hypothétiques reviendrait à faire un pari sur l’avenir dont les conséquences peuvent s’avérer désastreuses. La sagesse impose de baser sa politique sur les réserves fiables et l’adapter au fur et à mesure de la mise à jour de nouvelles découvertes.


Conclusion
Pour conclure, disons tout simplement que la politique énergétique du plus grand pays du monde est contenue dans une loi fédérale, de plus de 300 pages, qui porte le nom de «Energy Independence and Security Act». Le choix des termes d’indépendance et de sécurité dans la dénomination de la loi des Etats-Unis n’est certainement pas le fruit du hasard. A lui seul, Il en dit long sur les enjeux géostratégiques et sur le rôle névralgique que joue l’énergie dans les rapports entre les nations de ce monde globalisé. Dans les pays moyennement producteurs d’hydrocarbures, la mise en œuvre d’une politique énergétique est tout aussi indispensable tant pour la satisfaction de leurs besoins actuels que pour ceux des nouvelles générations. Elle est d’autant plus vitale qu’elle en conditionne aussi bien l’indépendance énergétique que la sécurité financière.
S. A.
(1) Voir «Raffinage de pétrole : réalités et perspectives» : contribution du même auteur publiée dans le supplément économique d’ El Watan du 28 février 2011.

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